Interview de Gilles Verlant
Pour compléter notre recherche, nous avons choisi d’interviewer Gilles Verlant, célèbre journaliste, biographe et critique dans le milieu de la musique. Ce dernier nous a paru être très informé pour le sujet que nous traitons. Il est notamment connu pour l’écriture de nombreux livres sur des musiciens de rock et chanson française également, mais aussi pour la présentation de l’émission « L’Odyssée du Rock » sur la radio OUIfm.
Le goût et puis le potentiel des artistes, c'est-à-dire ce qu’ils peuvent apporter, ils doivent pouvoir « rebondir » et continuer à marcher derrière. Il faut aussi respecter la « couleur musicale » de la radio. Cette dernière évolue sans cesse, comme les goûts des auditeurs, c’est pourquoi certains auteurs fortement diffusés il y a deux ou trois ans comme Raphaël ou Cali n’ont que très peu de chances de passer à nouveau sur notre radio.
Les journalistes doivent avant tout se tenir informé de ce qui sort. Le bouche-à-oreille tient une place prépondérante.
Sortir un disque ne suffit pas pour ça.
MySpace n’est pas un argument qui me plaît pour dire que tel ou tel artiste marche car il n’y a aucun moyen de vérifier les chiffres, ce n’est pas fiable et on ne peut pas dire si un artiste a réellement de succès parce qu’il a un grand nombre de visites sur MySpace. Toutefois Internet semble être un bon moyen pour percer car de nos jour on y passe beaucoup de temps en allant d’un page à l’autre sans trop se poser de question, on découvre beaucoup grâce à ça.
Il y a aussi une évolution dans la manière d’écouter de la musique : avant on achetait un album entier, maintenant on préfère écouter une chanson de temps en temps d’un même artiste au lieu d’en écouter un disque entier pendant 50 minutes. On préfère aussi aller vérifier par nous-même la qualité d’une chanson ou d’un CD au lieu d’écouter les médias, et Internet rend cela plus facile. Il y a beaucoup plus de possibilités avec la Toile, tout est illimité, il y a une réelle révolution qu’il va falloir canaliser.
Non et ce n’est pas un phénomène récent : Dalida a percé en 1957. Si un budget suffisant est payé pour la campagne, les tournées etc., ça peut marcher. Par contre rester en demande.
D’ailleurs certains classiques n’ont jamais figurés dans les hits des ventes car ils se sont vendus en un grand nombre d’exemplaires non pas pendant une petite mais une longue période, de plusieurs années.
Le marché du disque perd de sa valeur : il suffit de vendre 20 000 disques en une semaine pour figurer en tête des ventes (la chanteuse Koxie a décroché la vingtième place avec seulement 3 000 albums vendus en une semaine), et ce chiffre est facilement réalisable avec une bonne campagne de publicité. C’est pourquoi les maisons de disques font de plus en plus d’offres « 360° » aux artistes où tout est financé : l’enregistrement, les concerts, la promotion… Cette offre a été refusée par Mick Jagger, et Madonna a signé pour les spectacles. On peut en déduire que les maisons de disques n’arrivent pas à s’adapter au phénomène d’Internet.
Non, un fan Belge m’a créé et actualise toutes les semaines un site internet, ce qui est beaucoup mieux [http://www.gillesverlant.com].
Je préfère ne pas me fier à ce que les journalistes disent à ce sujet sur leur chiffre d’affaire et le nombre de téléchargements car on n’a pas d’information fiable. Je les croirai le jour où les Radiohead en personne diront « nous avons eu ce nombre de téléchargement avec une moyenne de x$ versés par album ». Il faut être célèbre comme Radiohead pour se permettre de faire une démarche pareille.
Les maisons de disques n’ont pas vraiment apprécié le coup qui leur a été fait dans le dos et elles sont capables « d’écraser » un artiste. Prince inscrivait sur la joue le mot « slave » au feutre lors de ses apparitions en public pour dire qu’il était esclave de sa maison de disque.
En juin dernier il a vendu les exclusivités au Daily Mail pour une valeur de un million de dollars : on achetait le journal, on recevait le disque qui était également distribué gratuitement lors des concerts.
On accepte la gratuité.
L’industrie s’efforce par tous les moyens d’investir les nouveaux créneaux de vente en ligne afin de compenser les pertes de revenus résultant du piratage « contagieux » de contenu et du déclin continu des ventes de CD.
Par exemple, le Financial Times de New York rapporte que le groupe Warner Music vend le dernier album de James Blunt sur son site MySpace.
L’album en entier est à l’écoute gratuitement, les internautes peuvent se procurer une version téléchargeable de l’album pour 9$99 et recevront le cd par la poste.
Les chanteurs connus ont dû se mettre à la page (web) et on ne compte plus le nombre de personnalités ayant innover dans le milieu de la musique.
Ainsi Madonna a quitté sa maison de disques WARNER MUSIC pour signer un contrat de 120 millions de dollars avec la société orginisatrice de concerts "LIVE NATION".
Manu Chao a mis son dernier album en téléchargement gratuit sous format MP3 sur son site Internet…
Ou bien encore Radiohead, qui est l'exemple le plus retentissant : aujourd'hui devenu une figure incontournable de la scène musicale internationale, ce groupe inaugure une nouvelle façon de distribuer sa musique, en laissant les internautes libres de s'acquitter du montant de leur choix pour acquérir son dernier album In Rainbows.
Le fan peut soit simplement télécharger l’album ou bien commander la « box », qui compte une édition limitée du CD, deux vinyles, des chansons inédites et des photos collectors, avant une commercialisation dans les « bacs ».
En s’autoproduisant et en mettant en place ce système d’un genre nouveau, Radiohead réalise un coup marketing : longue attente avant la sortie du produit, mystère soigneusement entretenu, communauté de fans chouchoutée, « buzz » orchestré par une équipe de managers…
Le message de Radiohead n’est pas adressé aux seuls fans, les professionnels, producteurs et distributeurs sont également destinataires. « Cette initiative montre à l’industrie du disque qu’un groupe installé et populaire comme Radiohead peut sans aucun problème se permettre de diffuser sa musique par ses propres moyens, commente François-Xavier Puig, directeur des études de musique à l’institut GFK. Pour autant, Radiohead n’a pas déclaré la guerre aux majors, comme le disent certains. Ils ont avant tout réussi un excellent coup marketing qui va leur assurer d’importants revenus. »
Selon différentes estimations, les fans – plusieurs dizaines de milliers, selon les chiffres qui circulent sur le Web – s’acquittent en moyenne de 5,78 euros en ligne pour télécharger uniquement l’album.
Radiohead en empoche la totalité, contre seulement 3 à 4 euros en général lorsque la commercialisation d’un de ses albums est assurée par une maison de disques.
De l’avis de nombreux spécialistes, l’initiative de Radiohead est un moyen de lancer le débat sur la façon de vivre de sa musique, mais en aucun cas une totale remise en cause du système des majors. « Au contraire même, assure François-Xavier Puing, Radiohead est le premier groupe à communiquer sur la qualité de son CD par rapport à sa version MP3. »
Il ajoute que : « Radiohead dit en fait aux maisons de disques : voilà comment devra être commercialisée la musique de demain. Le numérique pour la promotion et la diffusion gratuite, la « box » pour la communauté de fans, le CD basique et les concerts pour le grand public. De fait, Radiohead a réhabilité le produit physique ».
Une situation en définitive quelque peu paradoxale.
Le groupe ne se pose donc pas en révolutionnaire. Il espère, comme l’a déclaré le guitariste Jonny Greenwood, « inciter les gens à réfléchir à la valeur de la musique et à la place qu’elle joue dans leur vie ».
Ainsi Radiohead ne se contente-t-il pas d’une simple lutte contre le téléchargement pirate ou d’un coup marketing grâce au Web, il a pris un temps d’avance sur les maisons de disques, mais veut continuer à avancer avec elles.
«Beaucoup d'artistes installés ont du mal avec le web, assure Guillaume Dumont, fondateur d'Attitude, une agence en communication sur internet. Leur entourage prend alors le relais, et c'est souvent la maison de disques qui paie pour disposer d'un site efficace.»
Depuis janvier 2007, EMI a opéré un changement stratégique en nommant des chefs de projet digitaux pour chacun de ses labels. «La promo s'en trouve totalement bouleversée et suit une chronologie différente, explique Muriel Dewez, chef de projet digital du label Capitol (EMI). Elle commence sur le web pour annoncer les sorties bien à l'avance, se poursuit dans la presse, puis à la radio et à la TV au moment de la sortie du CD.»Le web constitue désormais le quotidien du travail des maisons de disques et une part importante du budget promo.
Guillaume Dumont, qui gère au sein d'Attitude les sites de Matthieu Chedid ou de Diam's, évoque une fourchette de 15 000 à 30 000 euros par an pour la gestion de leurs pages. «Le site promo se doit d'être vivant grâce à des mises à jour fréquentes et des bonus intéressants», précise-t-il.
Les internautes s'avèrent friands de vidéos et de contenus exclusifs (photos, chats, titres inédits).
Le site de Matthieu Chedid affiche 35 000 à 40 000 visites par mois hors sortie d'album. Il y a 150 000 personnes abonnées, et 90 000 membres bénéficient d'accès privilégiés. Ils peuvent insérer leurs commentaires, visibles immédiatement, ou accéder à une radio personnelle programmée par le chanteur en personne.
Le site internet répond donc à deux finalités : assurer la promo et garder le contact, même quand l'artiste n'a plus d'actualité.
En ce sens, l'exemple du New-Yorkais Jonathan Coulton est révélateur : cet ex-informaticien a pris l'initiative de «poster» une chanson par semaine sur son blog.
Quelques mois plus tard, il revendique 3 000 visiteurs par jour et plus de 500 000 téléchargements de certaines chansons.
Il empoche entre 3 000 et 5 000 dollars par mois sur ses ventes de musique digitale, de CD, de billets de concert mais aussi de merchandising, tout en continuant à diffuser sa musique gratuitement. Il reçoit des centaines de messages par jour, réalisant alors que le public recherche un contact privilégié avec lui.
Cette relation prend une dimension symbiotique, car il répond à tous et prend la peine d'incorporer les avis des fans à son travail.
Ceux-ci préfèrent dépenser de l'argent pour appartenir à
son monde plutôt que pour acheter un CD de manière classique.
Pour Guillaume Dumont, en tout cas, l'acte d'achat procède aujourd'hui de deux
étapes primordiales : l'écoute en radio, puis la recherche d'informations sur
internet.
Si l'internaute est séduit, il se procure alors la musique en digital ou en CD.
Dans cette optique, la promo sur le net, extensible à souhait, connaît un développement fulgurant.
En relation avec le sujet choisi, nous avons voulu tenter une expérience nous-mêmes en créant un groupe fictif et un MySpace.
La création d'un MySpaceest facile, accessible à tous, cependant en ce qui concerne la mise en page et la décoration, elles se révèlent plus complexes et demandent de maîtriser les codes HTML. L’enregistrement nous a pris une après-midi en plus du mixage. Les difficultés étaient d’obtenir un son clair sans parasites, de synchroniser et de faire les bons réglages pour le niveau du son des différentes pistes. Avoir un bon matériel est également indispensable.
Une fois la page créée et la chanson en ligne, pour augmenter le nombre de visites, d’écoutes de la musique et de commentaires, on doit ajouter le plus « d’amis » possible et leur poster des commentaires. Nous avons également donné envoyé le lien à toutes nos connaissances. Ainsi en peu de temps on a atteint les deux mille visites. Cependant lorsque la publicité est stoppée alors, le nombre de visites stagne.
On considère ainsi que quand les internautes viennent d’eux-mêmes et que la publicité n’est plus nécessaire pour maintenir la multiplication des écoutes, et ce de manière continue, on s’est fait un nom dans la musique.
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